Victor, l'infirmier traumatisé

En nous commencerons la rubrique des boulets par une mésaventure sentimentale récente qui aura fait rire pas mal de monde...

Tout a commencé un soir où mon voisin, ingénieur sur les gros avions et joueur de rugby à ces heures perdues, est venu frappé à ma porte. Il faut savoir qu'il a tout d'un dieu grec avec ses petites boucles blondes foncés, ses yeux vert émeraude et ses plaquettes de chocolat irréelles... J'écourterai la description pour éviter les syncopes mais je finirais simplement par vous dire que si Ryan Gosling et Matthew McConaughey avaient eu un petit frère, ce serait sûrement lui!
Bien que célibataire, je suis comme "une petite soeur" qui a besoin d'être protégée... Ce qui me fait une belle jambe et me force à reconsidérer la notion d'inceste... Enfin ce sera pas pour cette fois non plus! Toujours est-il qu'il paye le resto assez souvent et adore les petites attentions... Je me contente donc de ce que j'ai!

Bref, j'étais tristoune à cause d'un autre boulet sentimentale qui a battu des records dans la catégorie enfoiré affectif. Mon chevalier servant est donc venu à la rescousse de ma dépression à base de Tequila et Glace aux cookies (oui oui, on connait toutes cette marque de glace... les deux seuls hommes sur Terre qui ne nous décevront jamais : Ben & Jerry) en me proposant de l'accompagner à une pendaison de crémaillère dans le centre de Toulouse. 

Une fois arrivée, je sens le traquenard se refermer sur moi. J'aurais dû le savoir, je me suis encore fait eu. Il voulait me caser avec un de ses potes de rugby, encore!!! En même temps, le pote de rugby en question à un faux air de Gael Garcia Bernal, je vais peut-être me laisser faire. Il s'avère que le pote de rugby s'appelle Victor (ou pas...), qu'il est infirmier (et donc qu'il comprend sur quoi je bosse, chose rare), qu'il aime lire et que son auteur préféré est Francis Scott Fitzgerald... Gatsby le magnifique étant un de mes romans favoris, je craque totalement... La soirée se poursuit, on discute de tout et de rien, sans être forcément d'accord mais sans essayer de convaincre l'autre. Il me regarde droit dans les yeux quand il me parle, il a des yeux verts dans lequel je me perds très facilement... J'oublie tout et je me consacre à lui et à mieux le connaître. OK pour une fois que ça vaut le détour ce genre de rencontre arrangée à la con (je suis foncièrement contre).
Lorsqu'il se fait tard et que les voisins se mettent à râler, la soirée se poursuit à quelques centaines de mètres de l'appartement dans le bar de salsa attitré de mon ingénieur de voisin! Sur la route, Victor se rapproche, me frôle, cherche le contact, il reste à l'extérieur un moment pour fumer une clope (oui c'est mal), je lui en demande une qui me servira d'excuse pour rester seule avec lui (oui c'est mal... mais je ne fume quand j'ai bu...ce qui est mal aussi). On se regarde sans se parler, on se rapproche sans s'en rendre compte, on s'embrasse comme si c'était naturel... Un baiser tout doux, nos lèvres se séparent, il me sourit, replace une mèche de cheveux imaginaire derrière mon oreille en un geste tendre. On reste comme ça un moment, il me prend la main et m'entraîne à l'intérieur... En plus de bien embrasser, il danse comme un dieu. Du moins c'est ce qu'il me semble après environ 3 litres de Margarita (oui ça aussi c'est mal!).
Pour mon ingénieur de voisin, il est temps de rentrer, je comprend tout à fait... On se sépare en échangeant nos numéros de téléphone.

Le lendemain il m'appelle, je suis ravie qu'il n'attende pas les trois jours officiels... Je trouve cette règle ridicule, Sex and The City peut avoir des effets néfastes (en plus, des excentricités vestimentaires de Carrie Bradshaw). Il me dit qu'il a passé une excellente soirée, qu'il a hâte de me revoir... Qu'il espère que je lui ferais visiter mon appartement (ok c'est bon j'ai compris, il veut surtout voir ma chambre... Mais je ne pense pas être franchement contre l'idée!). Malheureusement, il est de garde de nuit aux urgences pendant 3 jours et il espère m'inviter au restaurant dans 4 jours. Je réponds par la positive... Même si j'ai quelque chose, j'ai bien l'intention d'annuler.
Durant les 4 jours qui précède le rendez-vous tant attendu, j'ai le droit à une séduction par texto qui me replonge dans mon adolescence... Le texto de bonjour, le texto de bonne nuit, les textos pour connaître mes goûts gastronomiques afin de choisir le bon restaurant...

L'attente se fait croissante et le désir s'attise crescendo... Le soir même, j'ai rarement été aussi nerveuse. Il passe me prendre, et il me met tout de suite à l'aise... Entre son sourire et sa conversation tout se passe à merveille. Il n'y a pas un blanc et les silences deviennent intimes. Il finit par me prendre la main sur le côté de la table comme ils le font si bien dans les films... Je commence à me dire que ça peut marcher et que j'ai la nette intention de lui proposer de monter boire un café sans le laisser partir.
Lorsque d'un coup, sans que je ne m'y attende il me pose une question qui me met mal à l'aise : "tu voteras pour qui aux présidentielles?"... Je sens au ton de sa voix que si je répond mal, l'ambiance de la soirée va en pâtir. En même temps, elle a déjà baisser d'environ 45°C en une question. Je viens d'un coup de passer d'une plage tropicale à la Sibérie au mois de janvier. J'essaye donc d'éluder le sujet en lui disant qu'on ne se connaît pas encore assez pour parler de politique. C'est un sujet fâcheux, il serait dommage de gâcher une si belle soirée.
Malheureusement il n'abandonne pas la partie (il est têtu le bougre!) : "moi je vais voter Front National. Tu comprends quand j'étais jeune, je me suis fait agresser par des immigrés et j'en ai marre qu'ils volent le travail des français. Il nous faut une solution radicale, c'est à cause d'eux si nous somme en pleine crise financière." (bon ok, il a pas dit ça mot pour mot, je fais un résumé d'environ 7min chrono d'absurdités politiques). Je retire ma main de la table, je me sens mal à l'aise, je suis en position de repli. Comment à 30 ans, malgré un traumatisme, lorsqu'on est infirmier, on peut tenir un discours pareil... J'essaye gentiment de lui faire comprendre que son discours stéréotypé ne tient pas la route. Mais il continue pendant plus de 30min à vouloir me convaincre de voter comme lui, pour le bien du pays... J'essaye de changer de sujet, je n'évoque pas mon point de vue, ce serait une perte de temps.
Lorsqu'il me demande s'il peut monter boire un café après m'avoir raccompagner (je n'avais plus la force ni l'envie de lui proposer), je lui dis que non. Je lui explique qu'il serait vain de tenter quelque chose car je n'adhère pas à sa vision des choses, j'ai même une vision inverse. Qu'en temps que fille d'une immigrée portugaise qui a mis pas loin de 15 ans pour obtenir la nationalité française, il me serait difficile de sortir avec quelqu'un que je ne pourrais pas présenter à ma famille. Il me répond comme pour se défendre qu'il n'a aucun problème avec les portugais, que ce sont les musulmans qui le dérangent. J'explose, je deviens folle, mais comment lorsqu'on a fait un minimum d'étude et qu'on est un minimum cultivé on peut dire des inepties pareilles. Ce n'est pas possible. Je pars en le laissant en plan et en lui disant qu'il aurait besoin d'être suivi par un spécialiste pour son traumatisme d'adolescence.

Je suis déçue, amère et cynique... Finalement, chez les types que l'on pense parfait, j'ai l'impression qu'il y a toujours une tare inacceptable. Je suis prête à beaucoup de concessions mais écouter un discours comme celui-ci, plus jamais. Je me rebellerai bien avant la prochaine fois. Il vaut mieux rester célibataire dans certains cas.

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